Photo: Akeza.net |
"L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s'apitoie sur son sort" disait Thomas Sankara. Ceci est un travail de recherche créatif sur la révolte des tisserands allemands, mélangé à celle des Badasigana, les guerriers de Mwezi, qui ont tout fait pour défendre le royaume.
En 1844, les familles des tisserands Silésiens décident de prendre en mains leur destin et refusent de croupir dans la misère pour des impérialistes qui s'enrichissaient au prix de leur sueur et leur sang. L'esprit de conquête de certains européens ne s'est pas limité sur l'exploitation des peuples européens, les plus motivés et "humanitaires" sont allés au-delà des frontières, pour "civiliser" les "peuples sauvages" des forêts d'Afrique, c'était le début de la colonisation. Les premiers colons furent vêtus en hommes de l'église venus pour "sauver les peuples égarés".
En 1898, les troupes allemandes arrivent au Burundi. Abadasigana, l'armée du Roi Mwezi Gisabo résistent à l'invasion pendant 7 ans, jusqu'au jour de la signature du "Traité de Kiganda", le plus dégradant et injuste de tous les temps. Le 06/06/1903 est officiellement le début de 59 ans de mépris, de lavage des cerveaux des Burundais et l'exploitation déloyale de des ressources.
Le prince Louis Rwagasore est le héros de l’indépendance du Burundi, mais nous noterons que le chemin a été très long et la lutte a durée des décennies avec un investissement des milliers de Burundais de la période coloniale. Des jeunes Burundais se sont donné corps et âmes, certains y ont laissé leur vie. A partir d’octobre 2022, l’Association Umunyinya en partenariat avec le Festival Commen und Gehen réunissant les villes de Zittau, Bautzen, Gorlitz et Stuttgart ont réuni des artistes Burundais et Allemands pour travailler ensemble afin de comprendre les méandres de la colonisation au Burundi, la résistance de l’armée du roi Mwezi Gisabo et les tisserands Silésiens dans la pièce de théâtre « The weavers » de Gerhart Hautpmann.
Les deux équipes ont d’abord travaillé séparément, l’équipe du Burundi faisant ses recherches au Burundi, l’équipe d’Allemagne faisant ses recherches en Allemagnes dans les musés, les espaces historiques, la consultation de photos, documents écrits, enregistrements de la période coloniale jusqu’en mars 2023. Pendant 23 jours de travail assidu, l’équipe de créateurs travaillant en binômes sont partis de l’assemblage des textes de 2 auteurs, la composition musicale de 2 musiciens avec une direction d’acteurs de 2 metteurs en scènes à la création d’une symphonie qui caresse l’oreille, le cœur et l’esprit, une chorégraphie et une scénographie qui transportent le spectateur dans un univers onirique.
The Ingabo-A night to fall est le titre de la comédie musicale issue de cette fantastique collaboration. La pièce est riche de couleurs. La composition a fait appel aux rythmes Burundaises avec les instruments du pays comme le tambour, Iningiti, Umuduri et Inzamba ; faisant un accord parfait avec le piano, la trombone, l’accordéon et le violon pour traduire au maximum l’émotion des Burundais derrière Mwezi Gisabo pour la conquête de leur indépendance, comme les tisserands Silésiens qui se battaient contre le chômage, la famine, la maladie et mépris que les infligeaient les riches pour qui ils tissaient le lin. La dégradation de leur situation est accentuée par l’afflux des vêtements en coton en provenance des régions déjà plus industrialisées comme la Prusse.
La pièce a été montée en mars et avril à Bujumbura, et à Zittau, Gorlitz, Bautzen et Stuttgart en juillet 2023. A côté de cette beauté de métissage musical, The Ingabo- A night to fall est une collaboration multilinguistique dans laquelle le spectateur, informé ou pas n’a aucune chance d’échapper à la séduction de la poésie du Kirundi, la puissance et la sagesse du texte de Gerhart Hauptmann en Anglais ou en Allemand la générosité de Hans Pasche en Français ; la pièce nous donne quelques minutes dans la tête du Comte Gustave Adolf Von Gotzen avec les mêmes mots d’un explorateur-colonisateur.
Toutes ces facettes de l’expansion coloniale en générale et de la colonisation Allemande au Burundi en particulier ainsi que la révolte des tisserands Silésiens pour leur survie et la dignité de leur descendance fait de cette comédie musicale un spectacle universel sur la prise en mains de sa destinée. A travers les débats animés à la fin des représentations de la pièce en Allemagne, beaucoup d’Allemands étaient surpris d’apprendre de la place de l’Allemagne dans la colonisation, étant donné que le rôle de l’Allemagne n’est pas enseigné à l’école. Nous partageons ici le même questionnement puisque l’impérialisme et la colonisation ne devraient pas être des sujets tabous, mais plutôt des centres de débats pour apprendre de notre passé et guérir, pour ouvrir une nouvelle page et avancer.
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